Aux origines, la presse papier
Une histoire d'ours
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, complétée notamment par la loi n°86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse (art. 5), a institué une obligation d'identifier les responsables d'une publication périodique. L'article cité indique les mentions obligatoires à porter à la connaissance du public. La pratique s'est prise de porter ces mentions dans un encadré nommé « ours » par les professionnels.
L'esprit de cette identification demeure pour la presse audiovisuelle, obligée de s'identifier régulièrement pendant ses émissions.
De l'ours au cyberours
Et le même esprit conduit à obliger les sites Internet soumis au droit français (c'est-à-dire hébergés en France) de s'identifier clairement en ligne, et ce, depuis l'origine puisque la règle provenait du régime de la télématique française, regroupé jusqu'à 2004 sous l'étiquette de services de communication audiovisuelle.
Pour ces services, les mentions obligatoires ont plusieurs fois été modifiées.
La loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique a ajouté quelques précisions aux mentions obligatoires déjà bien stabilisées par la loi du 1er août 2000.
L'identification en ligne : le régime actuel
La loi du 21 juin 2004 a repris et légèrement modifié les prescriptions légales de la loi de 1986 en cette matière, déjà modifiées en 2000.
Voici le texte applicable (article 6 III) que nous synthétisons à la suite.
Pour les sites professionnels :
Le texte
« III. - 1. Les personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication au public en ligne mettent à disposition du public, dans un standard ouvert :
a) S'il s'agit de personnes physiques, leurs nom, prénoms, domicile et numéro de téléphone et, si elles sont assujetties aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription ;
b) S'il s'agit de personnes morales, leur dénomination ou leur raison sociale et leur siège social, leur numéro de téléphone et, s'il s'agit d'entreprises assujetties aux formalités d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, le numéro de leur inscription, leur capital social, l'adresse de leur siège social ;
c) Le nom du directeur ou du codirecteur de la publication et, le cas échéant, celui du responsable de la rédaction au sens de l'article 93-2 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 précitée ;
d) Le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse et le numéro de téléphone du prestataire mentionné au 2 du I. »
Mentions légales obligatoires — les sites professionnels :
Nom, prénom ou dénomination / raison sociale
Adresse et numéro de téléphone
Éventuel numéro de Registre du commerce ou de Répertoire des métiers
Éventuel capital social
Éventuelle adresse du siège social
Directeur de la publication et éventuellement responsables de la rédaction
Nom, adresse et téléphone de l'hébergeur
Pour les sites non professionnels :
Le texte
« 2. Les personnes éditant à titre non professionnel un service de communication au public en ligne peuvent ne tenir à la disposition du public, pour préserver leur anonymat, que le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse du prestataire mentionné au 2 du I, sous réserve de lui avoir communiqué les éléments d'identification personnelle prévus au 1.
Les personnes mentionnées au 2 du I sont assujetties au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal, pour tout ce qui concerne la divulgation de ces éléments d'identification personnelle ou de toute information permettant d'identifier la personne concernée. Ce secret professionnel n'est pas opposable à l'autorité judiciaire. »
Mentions légales obligatoires — les sites anonymes :
La loi a aménagé la possibilité de créer de sites anonymes, tout comme il est loisible à un auteur d'être édité sous anonyme ou pseudonyme. Dans ce cas les informations d'identification des responsables du site sont préservées, à charge pour l'hébergeur de connaître ces informations et de les tenir à disposition de l'autorité judiciaire et à elle seule.
Seuls doivent alors être mentionnés en ligne :
Nom, adresse et téléphone de l'hébergeur
Sanctions pénales
L'article 6, VI, 2 de la même loi prévoit des sanctions pénales pour les responsables de sites qui n'auraient pas satisfait aux obligations d'identification en ligne :
« 2. Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 Euros d'amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale exerçant l'activité définie au III, de ne pas avoir respecté les prescriptions de ce même article.
Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables de ces infractions dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal. Elles encourent une peine d'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du même code, ainsi que les peines mentionnées aux 2° et 9° de l'article 131-39 de ce code. L'interdiction mentionnée au 2° de cet article est prononcée pour une durée de cinq ans au plus et porte sur l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise. »
En clair, toute personne ne respectant pas toutes les mentions obligatoires d'identification encourt une amende maximum de 75 000 euros et/ou un an de prison maximum. Les personnes morales peuvent se voir infliger des peines d'amende jusqu'à 5 fois celles prévues dans ce texte, et des peines substitutives aux peines de prison : fermeture momentanée ou partielle de la société, etc.
Malgré cet arsenal, cette obligation légale est, comme on peut le constater chaque jour sur Internet, une des plus mal appliquées, par ignorance.
|cc| Didier Frochot — décembre 2005